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Le Spéculum aux alouettes
15 mars 2015

Le méthotrexate est-il efficace dans le traitement de la GEU

 

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Mercredi 26 septembre 2001.

Camille ne peut pas attendre trois jours pour connaître le verdict. C’est un supplice. Elle fait faire un dosage BHCG dans un laboratoire de son quartier.

1 730. La veille, elle frôlait 2 000. Le taux a cessé de croître. L’hormone n’est plus sécrétée. Ça y est. Enfin. En général, on prie pour que le résultat soit positif, pour que le taux augmente. Elle a dû prier pour le contraire.

Elle sait qu’elle risque d’être déçue car les méthodes de dosage varient d’un laboratoire à l’autre. Mais elle a largement eu son compte. Il est grand temps que s’achève ce calvaire.

Vendredi 28 septembre 2001.

Elle retourne à l’hôpital à 9 heures, anxieuse et confiante à la fois. Difficile de se réjouir de la fin d’une grossesse. Il est mort Il est mort le soleil Quand tu m'as quittée Il est mort l'été Il est mort Il est mort le soleil Mais je suis la seule à porter le deuil. Camille s’initie à la logistique hospitalière. Elle doit d’abord se présenter au laboratoire situé au sous-sol en vue d’y retirer une fiche de circulation, puis remonter au rez-de-chaussée afin de s’acquitter du règlement en caisse centrale et enfin redescendre au laboratoire avec le ticket attestant son paiement et lui accordant le droit de rejoindre la salle d’attente déjà remplie. C’est un peu comme chez Darty, sauf qu’elle repart avec un hématome et sans téléviseur à écran plasma, le sien s’éloignant dans l’éprouvette étiquetée d’un numéro à rallonge.

Une adolescente enceinte, seule, la mine grave, attend son tour. Son sort ne semble pas la réjouir. Elle porte un malheureux événement. Camille en est affectée. Qui donc manque ainsi sa cible ? Un fœtus non désiré chez l’une, un embryon à durée de vie limitée chez l’autre.

Elle doit attendre le résultat afin de le porter en main propre au médecin. C’est prévu comme ça. La GEU constitue un arrêt de travail à plein temps, pompe les journées et absorbe l’énergie.

Camille va et vient entre la machine à café du hall et le parking. Pour fumer. On n’arrête pas la cigarette pour un embryon éphémère.

Elle voit Guillaume s’approcher. Toujours là dans les moments difficiles. Il joue souvent tard le soir,  cela lui permet de l’accompagner ou de la rejoindre la plupart du temps, quand il n’y pas de répétition.

Vers 11 heures, elle recueille personnellement la première impression de son échec, noir sur blanc, fonte grasse. Taux à 2 654. + 700 depuis mardi. Neurones : rien à déclarer. Rupture de stock. Synapses : néant. Elle ne sait plus quoi ni comment penser. L’air manque soudainement. La vue se brouille. Les yeux piquent. Elle s’ancre à Guillaume.

Elle attend. Longtemps. Le médecin n’apparaît pas. Elle attend. Pas le choix. Elle n’en peut plus. Elle perd tout. Son énergie. Ses forces. Son embryon.

Il arrive, prend connaissance du résultat, dodeline, fait la moue, la regarde, réfléchit. Elle attend encore. Suspendue à ses lèvres comme au-dessus d’un gouffre vertigineux.  Ann Darrow prisonnière du poing de King Kong.

Il lui demande son avis. Mais pourquoi donc ? C’est lui le médecin. Camille, elle, trimballe toujours sa phobie de l’anesthésie, pas question de changer d’avis. Elle défend sa cause. Elle a opté pour le traitement, elle est à l’origine de ce choix thérapeutique et veut l’assumer tant qu’il n’y a pas de danger. Mais pourquoi c’est à elle de décider ? Pourquoi, lui,  ne vérifie pas l’état de la trompe ?

Camille va recevoir une deuxième injection de méthotrexate. Si le taux n’a pas baissé mardi prochain, il faudra abandonner.

À 13 heures, elle est orientée vers une chambre du deuxième étage. À 15 heures, une infirmière daigne piquer son postérieur, alors que le service hospitalisation de jour dans lequel elle végète ne compte aucun patient. Après les deux heures légales pendant lesquelles elle doit rester en observation, elle peut enfin quitter l’hôpital. Il est 17 heures. Une prise de sang et une injection ont donc nécessité huit heures de présence.

Elle se sent laminée. Exténuée. Plus rien n’a de goût ni d’importance. Comment peut-on laisser une femme retourner à sa vie, penser qu’elle a encore une vie, quand elle suit le compte à rebours vers une mort annoncée.

(à suivre)

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