FIV, théorie et pratique

L’opération FIV est officiellement lancée et va durer environ quatre semaines. Les ovaires sont d’abord mis au repos pour être ensuite stimulés. Le blocage du cycle, c’est une injection quotidienne, la stimulation, c’est une deuxième injection quotidienne qui s’ajoute, un peu plus tard, à la première.

La première piqûre se fait à J 1. Déjà, il ne faut pas le rater, ce premier jour du cycle. Il y a parfois de fausses alertes. Ça saigne, ça saigne plus. En plus, ses règles ont la mauvaise habitude de se pointer en fin de soirée, vers 23 heures, alors c’est le branle-bas ou elle attend le lendemain ? C’est déjà compliqué avant de commencer. Et puis, elle n’a jamais pris cette molécule, peut-être qu’elle est allergique. Elle n’a pas oublié les effets secondaires de l’hystérographie. Et si un œdème de Quincke se déclare dans la nuit ? Ou pire, si elle succombe à un choc anaphylactique. Ses deux ennemis récurrents. Il faut qu’elle cherche sur Google si on a déjà recensé des décès au cours d’une PMA. Il faut qu’elle se calme aussi.

Le J 1 est identifié. Elle veut se piquer elle-même. Le médecin lui a dit que ce n’était rien. La piqûre de stimulation se fait avec un stylo injecteur, comme les diabétiques, pas besoin d’une infirmière. La piqûre de blocage se fait en sous-cutanée, bon, elle prend une infirmière si elle veut mais ce n’est vraiment pas compliqué, ça évite d’être dépendante d’une professionnelle. Très bien, présenté comme ça, elle va essayer de se débrouiller.

Infirmière, c’est quand même un métier. Qui s’apprend. Camille se retrouve avec du matériel dont elle n’a pas l’habitude, il faut récupérer l’eau d’une ampoule, la transvaser dans un flacon de poudre, doucement, sans faire de mousse, ne pas en perdre une goutte, bercer lentement le liquide pour mélanger la préparation, ses mains tremblent, et puis c’est quoi cette aiguille gigantesque, elle ne pourra jamais la planter dans son bourrelet ! Ah non, c’est juste pour faire le mélange, heureusement, elle mesure pas loin de dix centimètres ! Les mains propres, la table dégagée, le coton, l’alcool, le récupérateur de seringues, l’aiguille sous-cutanée, la première gouttelette évacuée, tout est prêt.

Elle veut le faire. Elle va le faire. Elle peut.

Un quart d’heure s’écoule. Elle fixe toujours la seringue. À force d’attendre, elle va s’injecter un truc périmé.

Elle pince son ventre. Elle approche l’aiguille. Elle va piquer à 3. Elle inspire profondément. 1, 2, 3. Elle recommence. 1, 2, 3.

Impossible de l’enfoncer. Sa main reste en suspens, refuse d’obéir à ses ordres. Elle inspire à fond, souffle. Elle va compter jusqu’à 5, ça lui laissera plus de temps pour se préparer. 1, 2, 3, 4, 5. Merde, elle recommence.

Une demi-heure plus tard, Guillaume la délivre en s’emparant de la seringue.

Elle pince et il pique. Il pousse le piston, tremble un peu, elle serre les dents, l’aiguille bouge dans la chair, l’injection du produit fait mal. Voilà, c’est terminé, rendez-vous demain à la même heure. Et tous les soirs suivants.

Quinze jours après, elle démarre la piqûre de stimulation. Une hormone fabriquée par génie génétique à partir de cellules ovariennes de hamster chinois. Elle fait vraiment n’importe quoi pour avoir un bébé. Elle ne mange pas de viande mais elle se shoote aux ovaires de hamster. Chinois de surcroît. Est-ce que le hamster peut choper la grippe porcine ? Aviaire ?

Son ventre gonfle, les pantalons ne ferment plus, il faut des tailles élastiquées, adieu silhouette ajustée, elle a l’impression de transporter un filet de clémentines dans sa culotte, porte un pull informe pour cacher une braguette ouverte.

Elle doit pointer aux contrôles échographiques réguliers et aux prises de sang matinales pour ajuster les dosages des injections. Son gynéco part bronzer sous le soleil des Bahamas, normal son boulot est stressant, et elle se retrouve à traverser Paris afin que l’un de ses confrères prenne le relais du suivi. Tous ces rendez-vous empiètent régulièrement sur la vie professionnelle.

(à suivre)