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Le Spéculum aux alouettes
18 juin 2015

La mécanique des corps, hystérographie, hystéroscopie

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Camille préfère ne pas attendre. L’horloge fait bruyamment tic-tac maintenant. Elle l’entend. Tic, ton utérus est vide. Tac, ta fertilité baisse. Tic, tu n’as pas d’enfant. Tac, tu as trente-trois ans. Tic-tac.

Elle décide de consulter le gynécologue du 16e, qui devient son gynécologue. Elle repart avec des ordonnances. Bilan hormonal, hystérosalpingographie et hystéroscopie pour Camille. Spermogramme pour Guillaume. Il va adorer, c’est sûr.

Elle s’y colle en premier. La femme est toujours la première à réagir. Le bilan hormonal s’obtient par une simple prise de sang au troisième jour du cycle. Une formalité pour Camille. Elle va connaître son âge biologique approximatif. Savoir si la machinerie est opérationnelle.

Son bilan est normal alors elle passe à la vitesse supérieure et prend rendez-vous pour une hystérosalpingographie. Rien que le nom fait mal. Elle comprend que cet examen radiographique recherche une éventuelle anomalie de l’utérus ou des trompes. Il faut injecter un produit de contraste et elle lit ici et là que cet examen est  franchement désagréable et plutôt douloureux, ce qui n’est pas très engageant. Elle commence à avoir mal au ventre quelques jours avant la date fatidique.

Elle suit scrupuleusement la prémédication : antihistaminique le matin et capsules vaginales le soir.

Capsules vaginales. Elle pense aux Cochons dans l’espace, une série du Muppet Show, revoit la perverse et sensuelle Piggy, comme la décrit le générique, aux commandes d’un vaisseau spatial et se demande ce que fabrique son inconscient.

Le jour de l’examen, elle rajoute un anxiolytique de son cru mais n’arrive pas détendue pour autant.

L’examen est très désagréable. Dire que ça fait mal, ce n’est pas mentir, n’en déplaise aux radiologues masculins. Elle sent nettement l’injection du produit iodé et peut suivre sa rapide progression. La réaction de l’utérus, inondé par une grande marée d’équinoxe, ne se fait pas attendre. Camille se charge du cri de la mouette, haaoo, entre les quintes de toux que le médecin lui demande de provoquer, heu heu, destinées à contrecarrer la douleur. Elle doit pencher à droite, à gauche, ne respirez plus, respirez, c’est si douloureux que des larmes attendent sous ses paupières, j’ai dit respirez, mais respirez madame, elle ne sait plus ce qu’elle doit faire ou pas. Tout ça sans le slip, évidemment, en position gynécologique, ce qui évite de dire le cul à l’air et les cuisses écartées car ça fait vulgaire, un spéculum pincé sur le col de l’utérus, et un cathéter traversant toute cette zone aseptisée. La grande classe.

Après l’étude des clichés, aucune explication n’est avancée sur ses antécédents. Pour adoucir l’épreuve, le radiologue assure que des femmes sont régulièrement enceintes juste après cet examen qui agit comme un engin de chantier et déblaie la route de la conception. Gna gna gna. L’espoir fait vivre. Ou son contraire. Elle retourne dans son deux-pièces, éreintée, le stress de l’hystéro l’a épuisée.

Quelques heures après l’intervention, en pleine nuit, dans cet isolement nébuleux où l’inquiétude se répand brusquement, une forte chaleur embrase son dos. La peau écarlate, brûlante, elle secoue Guillaume déjà endormi. Il installe Camille sous le lustre du couloir, inspecte, baille, s’approche, frotte ses yeux, recule, ça ressemble à une grosse allergie, il faut faire quoi, baille encore. Elle déchire la boîte de Polaramine, pénibles ces notices toujours du mauvais côté, redoutant, au mieux, un œdème de Quincke, au pire un choc anaphylactique. Les GEU ont accentué sa tendance hypocondriaque. La Polaramine la fait dormir profondément et fait aussi disparaître l’allergie.

Deux jours après, elle affronte l’hystéroscopie. Elle a regroupé les réjouissances car les deux examens se pratiquent en première partie de cycle. La cavité utérine et les orifices internes des trompes sont étudiées in situ grâce à une fibre optique retransmettant l’image de la muqueuse en simultané sur écran.

Il existe très peu de témoignages sur cet examen, mais ce qu’elle peut lire ne la rassure absolument pas. Une caméra dans l’utérus sans anesthésie, ça paraît agressif, même si ce n’est pas le dernier caméscope Sony.

Lorsqu’elle sonne à la porte de ce gynécologue, elle a l’impression de basculer dans une autre dimension. Elle n’a pas pu se documenter suffisamment, elle plonge vers l’inconnu et n’aime pas ça quand ça concerne le médical.

Un vieux monsieur très prévenant la fait entrer dans son cabinet. Les cheveux blancs, assortis à sa blouse, le dos un peu courbé, une paire de lunettes en métal déposée sur un long nez, elle le verrait bien assis sur le banc d’un parc, lançant du pain aux pigeons. Il explique le déroulement de l’examen, s’excuse du fait que ce n’est pas très agréable et promet que ça ne fait pas mal. Mais il n’a pas d’utérus. Camille pourrait lui affirmer qu’un coup de pied dans les couilles n’est pas douloureux, ce serait pareil.

Le médecin place d’abord un spéculum afin de créer une voie d’accès. Spéculum, mon beau spéculum, dis-moi qui va être mère.

L’hystérographie, ça faisait plutôt mal mais c’était supportable. Elle l’ignorait jusqu’à l’hystéroscopie. Cet examen est tolérable au plus quelques secondes. Ensuite, cela devient une lutte pour ne pas tomber dans les pommes.

Camille se cramponne à la table d’examen, à l’orée du malaise vagal. Elle se concentre tellement sur la douleur, le nez retroussé, les yeux plissés, qu’elle ne parvient même pas à regarder l’écran, malgré les invitations insistantes du médecin à le faire, pour lui « changer les idées ». Elle a un objet qui se promène à l’intérieur, qui la scrute, elle ne peut pas penser à autre chose, elle a droit au respect de sa vie privée, c’est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il n’y a pas plus intime et personnel que le fond de son utérus et quelqu’un s’est permis d’y  embarquer une caméra, sortez ça tout de suite !

Assaillie par des spasmes, elle se contracte pour résister à ces assauts, et d’un coup d’un seul, à ce moment précis où la honte et la solitude se percutent et donnent envie de courir se réfugier dans la première cachette venue, les muscles de son vagin recrachent le spéculum dans les lunettes du gynécologue.

La visite n’est pas abrégée pour autant, le consciencieux docteur rajuste ses lunettes, réinstalle son attirail en assurant que ce ne sera plus très long, et une douleur lui torpille les entrailles.

Elle a la tête qui tourne, la défaillance se rapproche, c’est sûr elle ne va pas tenir, le carrousel prend de la vitesse, elle appuie sur ses tempes, se retrouve à respirer comme un petit chien alors qu’elle n’est pas en train d’accoucher, ça tourne de plus en plus vite et au moment où elle croit  sombrer dans l’inconscience, le matériel est retiré.

Le médecin lui conseille de rester assise quelques instants, lui tend une assiette de biscuits, insiste pour qu’elle en prenne un, son stress a déclenché un pic d’adrénaline et d’insuline, elle a englouti tout son stock de sucre, se retrouve en hypoglycémie, doit manger un ou deux biscuits, ça ira mieux après.

Les conclusions de cette torture sont immédiates, photos à l’appui. La niche à embryons, sur le côté droit, paraît parfaitement rebouchée. Camille est apte. C’est plutôt une bonne nouvelle. Le gynécologue s’excuse avec déférence des désagréments de l’examen, lui souhaite bonne chance dans ses projets et la raccompagne jusqu’à la porte d’entrée.

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